CAPES

L’estuaire de Seine est un habitat essentiel pour les espèces halieutiques emblématiques de la façade Manche-Mer du Nord en sa qualité de nourricerie. Fortement anthropisé, l’estuaire a connu de profondes modifications morphologiques au cours des 30 dernières années qui ont entrainées une réduction de l’espace disponible et des surfaces intertidales, la réduction du volume de l’estuaire accompagnée d’une migration du dépôt‐centre de la sédimentation vers l’aval et d’un envasement significatif de l’estuaire aval (Rochette et al, 2013). Cet habitat estuarien-côtier, comptant parmi les habitats les plus productifs du milieu marin, joue un rôle central dans le renouvellement des stocks de pêche, en favorisant la croissance et la survie des juvéniles des espèces dites « nourricerie-dépendantes » (Beck et al, 2001).

Les projets NOURSEINE (financement FEAMP) et CAPES (financement GIP Seine-Aval) portent l’un et l’autre sur l’étude des nourriceries de la baie de Seine orientale et de l’estuaire de Seine. Ces deux projets démarrent en 2017 pour une durée de 3 ans ; ils ont vocation à s’alimenter l’un l’autre.

 

NOURSEINE

Le projet NOURSEINE est coordonné par l’équipe IFREMER RHPEB, à Port-en-Bessin. Il sera réalisé en partenariat avec le CRPMEM Normandie, issu de la fusion des CRPMEM Haute- et Basse-Normandie. Les campagnes, qui ciblent les populations halieutiques et seront réalisées en septembre de 2017 à 2019. Ces données viendront également alimenter le volet interannuel du projet CAPES. Les objectifs du projet NourSeine (FEAMP), de 2017 à 2020, se déclinent comme suit :

Assurer la pérennité de la série de données historique

En produisant une image actualisée des communautés de juvéniles de la baie de Seine orientale, la campagne NourSeine (insérer un lien vers la page campagne nourricerie NOURSEINE) apportera un éclairage sur l'évolution à long terme des populations de juvéniles. En recroisant cette information avec les connaissances propres à l'évolution des conditions environnementales de la zone et aux pressions anthropiques s’y exerçant (développement portuaires, clapage), ces données permettront de mieux appréhender les facteurs influençant, d'une part, l'efficacité de ces zones fonctionnelles, et d'autre part, la dynamique des communautés halieutiques.

Estimer la croissance journalière moyenne des juvéniles

Un travail spécifique sera réalisé sur la croissance journalière moyenne, par interprétation des otolithes pour les principales espèces halieutiques emblématiques de cet espace (Figure 1). Les juvéniles présents sur les zones de nourriceries bénéficient de conditions biotiques et abiotiques favorables à une croissance rapide (abondance des ressources, abris, eaux chaudes). Leur vitesse de croissance peut alors être utilisée comme indicateur de l'état de santé des individus (fitness), nous renseignant sur l'efficacité de la fonction de nourricerie pour une espèce donnée et sur la variabilité individuelle pouvant être rencontrée. Ce travail spécifique sera intégré au travail de recherche mené dans le cadre de NOURSEINE et réutilisé dans le cadre du projet CAPES.

 Le travail de recherche (thèse) envisagé dans le cadre du projet portera sur le développement d’une approche analytique novatrice, la phénoménologie, pour l’exploitation de jeux de données collectés dans le cadre des campagnes actuelles et antérieurement, relatifs aux conditions abiotiques et biotiques et en lien avec la notion d’habitat préférentiel des espèces (Figure 2). Il s’agira d’appréhender les processus sous-tendant la fonction de nourricerie de la zone d’étude, pour remonter jusqu’à la gestion des stocks de pêche en utilisant l’ensemble des jeux de données disponibles.

Enfin, dans le cadre du partenariat mis en place avec le CRPMEM de Normandie, un stage de Master 2 est prévu. Celui-ci portera sur une analyse de l’évolution des pêcheries locales de la baie de Seine, et en particulier sur l’exploitation de la crevette, pour explorer les facteurs naturels et anthropiques à l’origine des modifications de l’abondance observés récemment.

  

CAPES

Le projet CAPES est co-coordonné par les équipes IFREMER d’EMH, à Nantes, et de RHPEB, à Port-en-Bessin. Les autres partenaires du projet sont le LERN et la CSLN, qui assurent l’essentiel des campagnes en mer, ainsi que le laboratoire M2C de l’Université de Caen et l’AgroCampus Ouest, qui interviendront plus particulièrement sur l’analyse des données et la valorisation des résultats. Le projet s’appuie sur une approche trophique, avec un important travail de terrain.

CAPES a pour objectif principal la description et la quantification spatio-temporelle de la capacité trophique de la baie de Seine et de ses effets sur l'état physique (croissance et condition physique) des juvéniles de 4 espèces cibles (sole, plie, merlan, bar). Il se propose plus précisément de quantifier la capacité trophique de l'estuaire aval de la Seine et d'en comprendre les variabilités temporelles sur deux échelles particulièrement importantes pour les juvéniles: la première période forte de croissance (de mai à octobre) et la variabilité interannuelle qui intervient potentiellement dans le recrutement.

Le projet CAPES se décline sous trois axes de recherche :

I) un premier axe portant sur le suivi et l'analyse des variations saisonnières des communautés (supra) benthiques en baie de Seine.

L'étude de la capacité trophique nécessite une excellente caractérisation des réseaux trophiques et donc de l'ensemble des producteurs et consommateurs, incluant les maillons intermédiaires que sont les communautés benthiques servant de proies aux juvéniles de poissons.

II) un deuxième axe sur l'analyse des réseaux trophiques, l'estimation de la contribution relative des différents habitats au régime des espèces sélectionnées et ses effets sur la croissance et la condition des juvéniles.

Sur la base de travaux antérieurs (Tecchio et al, 2015), l’estuaire de Seine a été scindé en 5 zones présentant chacune un fonctionnement trophique spécifique le long d’un gradient côte-large (Figure 3). Ces travaux soulignent la diversité des caractéristiques environnementales de chacune de ses zones et de leurs peuplements, et font l’hypothèse d’une forte variabilité de spatiale dans la contribution des différents groupes fonctionnels responsables de la production benthique de l'estuaire. Le projet CAPES travaillera à quantifier cette production benthique selon les différentes zones identifiées et à estimer sa contribution dans le bol alimentaire des juvéniles de poissons.

Les facteurs impliqués dans le succès du recrutement des espèces nourriceries dépendantes sont encore mal identifiés. Si la surface restreinte de la nourricerie est considérée comme un indicateur de son efficacité (Rijnsdorp et al, 1992), cela implique une capacité d’accueil limitante pour le renouvellement des stocks indépendamment du succès reproducteur des espèces en termes d’abondance d’œufs et de larves. Les caractéristiques de la nourricerie définissent alors cette capacité d’accueil, avec une variabilité s’exprimant à différentes échelles spatiales, associées au type de sédiment et à la bathymétrie, et temporelles, en lien avec les conditions environnementales de température et de qualité de l’eau et avec la disponibilité de la nourriture. C’est sur ce dernier point que se propose de travailler le projet CAPES en étudiant le rôle des ressources alimentaires (proxy de la capacité d’accueil de la nourricerie) dans la régulation des quantités de juvéniles de poissons (proxy du recrutement) via l’étude du réseau trophique.

III) un troisième axe sur l'estimation de la variabilité temporelle de la capacité trophique de la baie de Seine et le lien avec l'environnement et le recrutement des espèces ciblées.

La migration estivale observée des espèces marines de l’amont vers l’aval de l’estuaire (projet MODHANOUR) s’accompagne de variations significatives de la condition des juvéniles, qui pourraient être en lien avec la disponibilité des ressources alimentaires benthiques (van der Veer et al, 2016). CAPES travaillera donc à l’identification des processus caractéristiques de ce dynamisme spatial et qui influent directement sur le recrutement.

 Enfin, l’effet de la qualité chimique du milieu sur la condition physiologique des individus sera abordé dans le cadre d’autres projets complémentaires également financés par le GIP Seine-Aval (CHOPIN, HQFISH, PLASTIC-Seine), et dont les résultats seront discutés conjointement à ceux du projet CAPES.

 

Beck M.W., Heck K.L., Able K.W., Childers D.L., Eggleston D.B., Gillanders B.M., Halpern B., Hays C.G., et al, 2001. The Identification, Conservation, and Management of Estuarine and Marine Nurseries for Fish and Invertebrates: A better understanding of the habitats that serve as nurseries for marine species and the factors that create site-specific variability in nursery quality will improve conservation and management of these areas. BioScience, 51, 633‑641.

Durieux E., Mahe K., Labonne M., Morin J., Brind’Amour A., 2014. Variabilité spatiale de la signature multi-élémentaire des otolithes de G0 de Solea solea et Pleuronectes platessa au sein d’un habitat côtier : exemple de la baie de Seine. Consultable  : http://archimer.ifremer.fr/doc/00220/33153/ [Consulté le 20 janvier 2016].

Rijnsdorp A.D., Beek F.A.V., Flatman S., Millner R.M., Riley J.D., Giret M., Clerck R.D., 1992. Recruitment of sole stocks, Solea solea (L.), in the Northeast Atlantic. Neth. J. Sea Res., 29, 173‑192.

Rochette S., Le Pape O., Vigneau J., Rivot E., 2013. A hierarchical Bayesian model for embedding larval drift and habitat models in integrated life cycles for exploited fish. Ecol. Appl., 23, 1659‑1676.

Tecchio S., Rius A.T., Dauvin J.-C., Lobry J., Lassalle G., Morin J., Bacq N., Cachera M., Chaalali A., Villanueva M.C., Niquil N., 2015. The mosaic of habitats of the Seine estuary: Insights from food-web modelling and network analysis. Ecol. Model., 312, 91‑101.

Van der Veer H.W., Jung A.S., Freitas V., Philippart C.J.M., Witte J.I., 2016. Possible causes for growth variability and summer growth reduction in juvenile plaice Pleuronectes platessa L. in the western Dutch Wadden Sea. J. Sea Res., 111, 97‑106.